Histoires d’Amour

À la fermeture des bars je fais monter ce jeune couple devant le Diable Vert sur Saint-Denis. La fétidité de leurs haleines m’en dit long sur leur taux d’alcoolémie. Mais n’eut été de leur beuverie respective, ils ne se seraient peut-être pas rencontrés. C’est mignon comme tout ces prémices à un « one night stand ». Les rires niaiseux, les gestes maladroits, les propos timides. Le gars n’a pas l’air vite vite et c’est la fille qui « call les shots ». C’est d’ailleurs vers son appart’ dans Rosemont que nous nous dirigeons. Je clanche et ne dis pas un mot. J’ai monté le son de la radio, sur CHOM y’a U2 avec One Love. Le timing est bon, la fille attire le mec vers elle et lui roule une pelle. Ça dure quelques minutes pendant lesquelles je me dis que j’aurais peut-être du leur proposer de la gomme… Dans mon rétro, ils n’ont pas l’air de s’en faire avec ça, les deux ont les yeux qui brillent et va savoir si cette soirée ne sera pas pour eux le début d’une belle histoire d’amour.

Sur la route du retour vers le bas de la ville j’arrête le taxi à côté d’un homme au bras levé. Une fois assis il me demande de patienter un instant, le temps que sa copine sorte du logement où ils ont passé la soirée. Après qu’elle ait pris place à ses côtés, je comprends rapidement qu’il y a un sacré froid entre les deux. Ils regardent chacun de leurs côtés et le silence glacial en dit long. La radio toujours à CHOM joue « Bad Company ’till the day I die… » Je rie dans ma barbe (des séries) et dans mon rétro ça pas l’air d’aller. Les deux ont des visages crispés et va savoir si cette soirée ne sera pas pour eux la fin d’une belle histoire d’amour.

L’Avenue Huet


Hier on parlait des Canadiens en 4 pis de la coupe pis de la parade au mois de juin… Si vendredi ils perdent encore, gageons qu’on va parler de pourriture et de golf. C’est toujours comme ça à Montréal, on part vite en peur quand il est question de nos Glorieux. Deux poids, deux mesures.

À la sortie du Centre Bell j’ai fait monté un groupe qui en avait long à dire sur les (insérer ici quelques mots d’église) d’arbitres. J’pense que Ron Fournier aurait passé à l’appel suivant… Je les ai amené se détendre au « chic » Sexmania de la rue Ontario. Rien de tel qu’une couples de p’tites frettes accompagnées d’une danse à dix pour atténuer les tensions qui t’habite.

C’est en redescendant sur Iberville pour retourner au plus sacrant vers le temple de nos idoles aux bras meurtris que je me suis buté à cette vision ! L’avenue Huet ! Bon ça tient plus de la ruelle que des Champs Élysées mais je suis certain que Christobal doit être fier 😉 Entécas si ça vous tente d’aller y faire des dévotions ou encore y faire brûler des lampions, ça se trouve juste au nord de Ste-Catherine entre Frontenac et Iberville. Si vous voulez rigoler demandez à un chauffeur de taxi de vous y amener… Si vous tombez sur un taximan qui sait ça, vous avez affaire à un vrai ! A+

Y’a des nuits comme ça…

La pluie un samedi c’est toujours bienvenue pour arrondir ses fins de mois. La nuit a été assez fertile en clients de toute sortes. J’ai parlé de la victoire du tricolore, du prix du gaz, d’André Arthur, de la journée de la terre. J’ai entendu des histoires de cul, de coeur, de cash et quoi encore?

Vers 3 heures et quart je m’arrête à l’Ultramar au coin de Parc et Villeneuve. Mes 5-6 derniers clients m’ont payé avec des $20 et je n’ai plus de $5 et de $10. Alors que le préposé me fait du change y’a un kid derrière moi qui prends la poudre d’escampette avec 2 caisses de 12. Un petit after-hour improvisé à ce qu’on dirait. L’homme qui me sert lâche alors un cri et saute par dessus le comptoir et se lance à sa poursuite. Les fuyards n’ont pas le choix de contourner mon taxi et ça me laisse amplement le temps de noter mentalement la plaque et la sorte du véhicule. J’ai presque le temps de prendre une photo! (La prochaine fois promis 😉 Je m’informe de l’état coronarien du type qui revient penaud derrière son comptoir, je lui laisse mes coordonnées, je prends mon change et repars faire le tour des bars pour mon last-call.

Je retourne sur St-Laurent voir si je n’embarquerais pas par chance une superbe blonde en quête d’aventures extra-conjugales 😉 Je n’ai droit qu’à un russe bien bourré de vodka qui porte sur lui un costard et des bijoux qui valent pas loin de mon revenu annuel. Quand je le dépose il me dit que je peux garder le change. Un dix pour une course de $9.65… Bah! En autant que Kovalev continue de la mettre dedans, je suis bien prêt à passer l’éponge avec tous ses compatriotes.

Quelques courses plus tard, mon compte est bon et je descends Saint-Denis pour aller prendre le tunnel Ville-Marie. Je pense déjà à la grosse Heineken qui m’attend. Maudit qu’elle va bien rentrer. C’est alors que j’aperçois près de la Gauchetière un confrère qui a maille à partir avec 2 noires devant un hôtel de passe. Je m’arrête à leur hauteur pour voir si le chauffeur n’est pas dans le trouble et aperçois derrière son taxi une pile de linge dans la flotte. C’est une course qui semble avoir mal tournée. Je comprends vite que le chauffeur n’a pas été payé ou qu’il y a un litige sur le prix du voyage. Il a du pogner les nerfs et a largué le bagage des filles dans la rue. J’ai à peine le temps de sortir de mon auto que les coups commencent à pleuvoir. J’aime pas trop un mec qui tapoche une fille mais en m’interposant j’ai la nette impression que c’est à ce dernier que je sauve la mise. Je raisonne la plus grande des deux filles en lui disant qu’elle va se mettre dans la merde si elle continue, j’enjoins le chauffeur arabe de retourner dans son cab mais il insiste et la petite teigneuse s’apprête à lui démolir son parapluie dans la face. Sur l’entre-fait y’a un clochard sorti de nulle part qui s’est joint à nous et un autre taxi s’arrête pour regarder le show. C’est pas la meilleure des idées de se mettre entre deux personnes qui se frappent mais j’arrive néanmoins à convaincre le chauffeur à retourner dans son taxi avant que ça dégénère d’aplomb. J’empêche ensuite la petite d’arracher l’antenne radio du taxi et un autre confrère arrive. La grande est partie vers l’hôtel avec une brassée de linge à faire sécher, un autre taxi arrive, le clochard me demande du change, je lui file une piasse, un autre taxi arrive, il commence à avoir pas mal de monde à messe, je pense toujours à la bière qui m’attends, la petite qui n’a pas arrêter de gueuler depuis mon arrivée tente toujours de casser de quoi sur le char du chauffeur, ce dernier discute avec le répartiteur sur la radio-taxi, une police tourne le coin, je suis trempé, ça se tasse, je me casse.

(…)

Burrrps ! 😉

Du nouveau à l’horizon


On ne peut qu’être bouche bée devant la somme de travail que nous offre Horizon avec son compte rendu quotidien sur ce qui se passe dans le joyeux monde des blogues d’ici. Quel concept brillant ! En ce qui me concerne 10:51 sur l’Horizon de la Planisphère est déjà un incontournable. Quel souffle ! On ne peut que se demander comment il (elle?) y arrive ! Cette personne a-t-elle une vie? 😉 En tout cas je la lui souhaite longue… Sacrée belle job ! Bravo.

Consultation à voie haute

Ça fait plus d’une heure que les bars sont fermés et je suis venu me joindre aux dizaines d’autres taxis former le seul bouchon possible passé 4h. du matin. Je suis sur St-Laurent entre Sherbrooke et des Pins et je me demande quelle idée m’est passée par la tête de venir perdre mon temps ici. 90% des véhicules sont des taxis, 90% ont leurs lanternons allumés, les probabilités que j’embarque quelqu’un ici sont de…

– « Vous êtes libre ?  » Me surprend la voix d’une belle grand blonde surgit de nulle part.

– « Absolument !  »

– « J’m’en vais à ville d’Anjou. »

– « Ça devrait pas être un problème. À la quantité de taxis qu’il y a ici, c’est comme si je venais de gagner à la loterie ! « 

Ça l’a fait rire. Cette blonde est spectaculairement belle. Elle a un sourire a faire fondre ce qui reste d’antartique. Pas de doute dans mon esprit qu’elle a du passé la soirée a se faire draguer. Pourtant c’est moi le chanceux qui la raccompagne chez elle.

–  » La soirée a été bonne ?  » Y’a pas une nuit que je n’utilise pas cette phrase passe-partout. Si le client a le goût de jaser je suis vite fixé.

–  » Bof, je suis tombé sur mon ex… » Dans mon rétroviseur, la belle a un regard perdu quelque part entre les vitrines de la « Main » et de vieux souvenirs.

–  » Ah! Les ex… »

–  » Il m’a dit que j’étais la femme de sa vie!  »

– « Hum pas facile de ménager les susceptibilités dans ce temps là… »

J’ai eu droit au fin fond de l’histoire en disant des « ahan, umhum, oui, c’est sûr, pas de doute, c’est clair… » de temps en temps question d’entretenir le flot. C’est fou comment les gens aiment se confier. Surtout à propos des choses qu’on ne peut dire à des proches. Moi j’étais content de profiter de la conversation, ça me permettais de contempler cette superbe créature sans être trop indiscret.

Elle m’a raconté comment le gars n’avait pas su comment entretenir la flamme, comment elle l’avait plaqué, comment elle avait rencontré son nouvel amoureux… C’est rendu sur le métropolitain qu’elle m’a avoué comment elle aurait aimé se taper son ex ce soir…

– « Personne ne l’aurait su » me dit-elle.

– « Sauf toi… »

Silence

–  » C’est une sacrée belle preuve d’amour que tu viens d’offrir à ton nouveau chum. »

–  » Oui mais il ne le saura pas… »

–  » Toi tu le sauras… »

La fille s’est avancée sur la banquette et m’a embrassé sur la joue. Essayez de rester concentré sur la voie élevée dans ce temps là ! C’était dur… 😉

À destination je me suis tourné vers elle et lui en ai sorti une de mon répertoire:

– « Ça fait $25 pour la course et $15 pour la consultation. »

Elle a encore rit. J’étais sous le charme. Si a cet instant elle m’avait dit:  » J’ai pas d’argent pour te payer », je pense que je l’aurais quand même remercié. Mais elle a sorti deux billets de $20 de son sac et c’est elle qui l’a fait.

– « Tu fais une bonne job, tu peux garder le change. »

Les doigts qui se touchent, le regard, le sourire. Y’a des histoires d’amour plus éphémères que d’autres…

Je suis resté devant sa porte jusqu’à ce qu’elle rentre en me disant que son ex ne savait pas ce qu’il avait raté, que son nouveau était quelqu’un de vraiment chanceux et je me suis demandé de laquelle des deux jobs elle voulait parler ?

Jérémiades

C’est bien connu, les chauffeurs de taxis aiment chialer contre tout et contre rien et vice versa et pas nécessairement dans cet ordre là !
Faque par quoi je commence? Les nids-de-poule ? Mes amortisseurs finis ? Les touristes en chars qui se promènent et qui t’empêchent de passer rapidement au client suivant? Mon mal de dos? Les chauffeurs rapaces qui te volent tes appels? Le beau temps? Le prix du gaz? Les clients « cheaps » ? Les nids-de-poule? Le trafic? Les flics zélés? Les travaux? Mon manque de sommeil? Les politiciens? Ma transmission qui cogne ? Les enragés du volant? Les Hummers? Le petit maudit sapin qui pue de mon chauffeur de jour? Les deux gars qui ont laissés leurs croûtes de pizza sur la banquette ? Les nids-de-poule ? Les camions de vidanges ou de recyclage qui bloquent les rues? Les ceusses qui flashent d’un bord pis qui tournent de l’autre? Les clients méprisants? Les cols bleus ? Les piétons qui prennent leur temps quand ma lumière est verte ? Les squeedgees qui beurrent mes vitres? Mon café frette? Les clients qui me demandent de mettre Mix 96? Les nids-de-poules? Le réchauffement climatique? Les « 450 » qui mettent 5 minutes à faire un stationnement parallèle? Les clients qui te payent avec une poignée de change poisseux ? Le tunnel Ville-Marie encore barré? Les cyclistes qui prennent 2 voies ? L’interdiction de tourner à droite en ville? Les clients qui te font attendre 10 minutes après que t’aies sonné ? Les impôts ? Les autres taxis? Les nids-de-poule ? (…)

Y’en aurait beaucoup à dire ! Par quoi je commencerais bien ? Sur quoi verserais-je bien mon fiel ? Pas mal de sujets sur lesquels s’épancher. Mais pour l’instant j’aime mieux aller me coucher et dormir là-dessus. Mais ne soyez pas inquiêts, vous ne perdez rien pour attendre ! Je vous ai parlé des nids-de-poule? 😉

Bon congé pascal.

C’est en r’venant d’Rigaud

Les dimanches je prends toujours ça assez relaxe. C’est le soir que je fais mon épicerie, que je passe à la SAQ m’acheter une ou deux bonnes bouteilles et si la semaine a été bonne, je vais faire un tour à L’Échange sur Mont-Royal m’acheter quelques livres usagés. Habituellement passé minuit ça tombe mort dans les rues de la ville. Je retourne alors le taxi au garage et reviens chez moi par le dernier métro. Mais comme la semaine dernière n’a pas été du tout comme sur des roulettes (ou des pneus d’hiver assez usés pour être de saison, c’est selon), j’avais décidé ce dimanche de me taper la nuit au grand complet. Pas de vin, pas d’bouquin.

Après cinq heures de route à attendre les appels et à tourner en rond en rageant contre les chauffeurs du dimanche, je n’ai toujours pas réussi à payer la location du taxi et commence à m’énerver sérieusement. Donc tant qu’à perdre les pédales, je décide d’en finir et d’arrêter les frais. À la radio y’a même Languirand qui n’y va pas par quatre chemins pour m’encourager à éteindre mon moteur. Ok message reçu ! Je retraverse donc la ville. Tant pis, la semaine prochaine sera peut-être meilleure. Va falloir couper sur le rouge mais bon, ma semaine est quand même finie. Deux jours sans maux d’artères… Mon état d’esprit s’allège et il n’en faut pas plus pour qu’au tournant, le vent vire de bord.

Sur Guy devant l’hôtel Maritime où doit passer facilement plusieurs centaines de taxis à l’heure, un groupe de quatre personnes m’attend. Je me dis qu’ils doivent se chercher un bon petit resto pas trop loin, pas trop cher mais je me trompe. Ils veulent aller à Rigaud ! No problemo !
Si vous voulez savoir qui a les moyens de se payer un voyage de plus de $100 en taxi je vais vous le dire : le ministère du revenu fédéral…
J’ignorais que l’ancien collège avait été acheté par l’état pour servir entre autres choses de centre de formation pour les fonctionnaires du pays from coast to coast. Mes passagers sont de St-John, Terre-Neuve et sont là pour apprendre comment passer à travers vos rapports d’impôt.
La course s’est bien passée. J’ai évité les mauvaises farces sur les fonctionnaires et les newfies 😉 En fait c’est en revenant de Rigaud que ce voyage m’a enrichi.

C’est étonnant le chemin que la vie nous fait prendre parfois. Ce voyage a Rigaud a fait remonter à ma mémoire des souvenirs d’enfance bien spéciaux. Quand j’étais petit gars, on partait souvent en famille le dimanche pour aller au sanctuaire là-bas où on célèbre la messe en plein air.
Papa, natif de cette région, nous amenait ensuite chez « pépère » où se réunissait toute la grande famille pour un grand barbecue dominical. 13 frères et soeurs ! Ça en faisait des cousins et cousines pour jouer autour de la grande maison ancestrale. Me reviennent en tête plein d’odeurs et d’images de ces journées-là. Je ne peux oublier non plus quand papa voulait nous faire rire, il nous chantait : « En revenant de Rigaud » avec toutes les simagrées qui vont avec 😉 Il aimait ça qu’on y torde le bras pour qu’il nous pousse sa ritournelle. J’ai juste à me fermer les yeux pour l’entendre et le voir.

L’été dernier, une bonne partie de la famille s’est réunie au sanctuaire Notre-Dame de Lourde pour une messe hommage à mon père décédé. J’ai pas trop entendu ce que le curé avait à dire. Les souvenirs prenant toute la place. Je me suis mis à regarder les enfants courir partout entre les rangées de bancs et les arbres. J’ai souris en regardant leurs pères et mères essayer tant bien que mal de les garder tranquilles. Pas toujours évident d’être parent. Des fois ça prend toute une vie pour apprendre à ses petits ce qu’elle est. Des fois ça va même au-delà.