Ça fait trois fois que l’homme me répète son adresse. Il sort de son party de bureau et est pour le moins éméché. Encore heureux qu’il ait le vin joyeux, le contraire est toujours assez pénible. J’arrive de peine et de misère à déchiffrer son verbiage alcoolisé mais je me dois d’entretenir la conversation. Faut surtout pas qu’il s’endorme. Il me parle de la boîte pour laquelle il travaille, puis comment ils forment un groupe uni, une bien belle gang, etc. etc. J’apprends que la fête est loin d’être finie, que c’est « bar-open » et que le boss a remis à tous ses employés des coupons-taxis. Des mots qui sonnent bien dans mes oreilles.
J’ai donc élu domicile au poste desservant l’adresse où se déroulait le fameux party et je n’ai pas été déçu. Les appels se sont succédés sans trop d’attente. J’embarquais, faisais la course, revenais, rembarquais… Le genre de soirée qui vient compenser pour les longues heures passées à attendre. Voici enfin venu le temps de l’année où tous les chauffeurs de taxis sont heureux.
Une course après l’autre me fait découvrir une autre facette de la fameuse soirée. J’ai beau ne pas y avoir assisté, c’est tout comme. L’un a vomi dans un coin, l’autre a baisé sous une table, l’autre a sauté sa coche et quand le party se termine je suis aux premières loges pour la grande finale.
J’embarque ce couple qui a l’odeur, vient de passer leur soirée enfermés dans une SAQ. Ils bafouillent, marmonnent, balbutient, hésitent, l’un a envie de l’une, cette dernière a eu beau l’allumer toute la soirée, l’histoire est sur le bord de s’éteindre.
On va le déposer dans un premier temps et je vais me taper le reste de la course avec l’allumeuse.
Elle est jolie malgré son haleine de fond de tonne. Me demande mon cell pour appeler son chum. J’me fais à l’idée que je ne la remmènerai pas chez moi , je l’échappe belle elle a l’air d’être un méchant cas. Je lis entre les lignes que c’est la fille de sous la table, elle va rejoindre son homme qui se doute de rien. Comme de raison on avait pas invité les conjoints.
S’ils savaient…